Traversatta Berhault al'Monviso

Publié le par manu

Mont Viso : traversée Berhault (Queyras - Alpes Cozie)
2-3 septembre 2016
 
Seconde expérience au Viso et pas moyen d'échapper à la grosse grosse bambée (voir ici pour la première).
 
Après un été particulier pour moi, partagé entre le VTT et le Trek, j'avais envie de faire un petit peu d'alpinisme, et comme depuis quelques années, le Cervin m'attirait bien. Pas de chance, on rate le créneau et les dispos des copains ne collent plus, une fois de plus, on reporte ce Cervin à l'an prochain. 
 
La montagne, c'est mieux quand c'est partagé, on est d'accord, mais c'est bien connu, si t'as pas de copains de dispo, soit tu ne fais rien soit tu pars seul. Pas envie de ne rien faire alors je prends le matos, le vélo, la bouffe et tout le toutim, et direction le Queyras.
 
Après un bon dodo, départ de bonne heure du parking, je n'ai pas voulu monter au refuge la veille et je pense que c'était une petite erreur. La selle de mon vélo reste à nouveau coincée en bas à cause du froid, je me tape donc la montée selle basse, pas le plus fun mais à vélo on gagne vraiment du temps car c'est bien longuet cette approche.
 
Petite halte au refuge pour prendre le p'tit dej', accueil très agréable du gardien, discussion sympa sur l'itinéraire et malheureusement toujours quelques pisse-vinaigres qui te regardent de travers quand tu leur réponds que oui tu es seul et tu pars faire de l'alpi ainsi. 
 
Précieux conseils de Paul le gardien qui me recommande de shunter la première partie qui rallonge mais n'offre que très très peu de grimpe, et vu que çà ne manquera pas de varappe, autant partir direct du couloir du Porc, un conseil judicieux donc.
 
Je laisse le vélo et c'est parti pour la remontée au col du couloir du Porc, cadre minéral, un joli lac avec de beaux bouquetins et vue imprenable sur l'arête. Bon, approche terminée, la nebbia semble sage, il est temps d'enclencher les hostilités, je m'équipe et bimm c'est parti.
 
 
approche jusqu'au Col du Couloir du Porc et la Pointe Udine
approche jusqu'au Col du Couloir du Porc et la Pointe Udineapproche jusqu'au Col du Couloir du Porc et la Pointe Udine
approche jusqu'au Col du Couloir du Porc et la Pointe Udineapproche jusqu'au Col du Couloir du Porc et la Pointe Udine

approche jusqu'au Col du Couloir du Porc et la Pointe Udine

La Pointe Udine est vite avalée, le Roi de Pierre trône tout au fond. C'est loin c'est sûr mais en étant seul on gagne pas mal de temps par rapport à une cordée. Je ne sais pas encore où je poserai le bivouac mais plusieurs hypothèses bourgeonnent. Pour le moment il est trop tôt pour savoir précisément mais au fur et à mesure de ma progression, le choix s'imposera plus aisément. C'est aussi çà l'avantage de faire de l'alpi avec le matos de bivouac, pas de contrainte ou très peu, sur le choix du lieu, çà rend beaucoup plus serein.
 
A partir de la Pointe Udine, on rentre dans le vif du sujet, arête bien effilée, du gaz, puis rappel de 60m, elle débute bien cette Cresta Roma. Révision express des manips, on est vite dans le bain. La Vire des Anges porte bien son nom, et la Cresta Roma permet de les tutoyer tout du long, néanmoins je n'ai pas envie de les rejoindre trop tôt, alors je prends le temps pour trouver le bon rythme. Un passage anodin avec la corde tu as un fusible, pas là. Au moins pas de problèmes de concentration.
 
J'arrive un peu sec à la Punta Roma, çà tombe bien c'est plus que l'heure de manger. J'ai prévu de manger plusieurs fois pour éviter le syndrome du gros bidon, on grimpe mieux l'estomac pas trop rempli. L'endroit est magnifique, je suis seul au monde, la nebbia lèche l'arête versant italien, le soleil illumine le versant queyrassin, le rocher est chaud...
 
Il est temps de repartir, je suis pas là pour acheter du terrain comme dirait Oli ! La suite jusqu'au Passo Giacoletti est vite avalée, je me sens de mieux en mieux, çà déroule même si le sac se fait sentir, et le rocher est toujours excellent. J'ai pris 4L d'eau car je n'étais pas sûr d'en trouver, et vu la chaleur du jour, j'ai bien fait. Du Passo, on peut s'échapper et cette course, la Cresta Roma vaut le déplacement à elle-seule.
 
La Pointe Gastaldi, point le plus oriental du Queyras, marque la fin de ma progression à saute-mouton de part et d'autre de la frontière. A partir de là, on entre en Italie, plus précisément en Piémont. J'en profite pour me faire un goûter, qui n'est rien d'autre qu'un midi bis.
Cresta Roma et arête N de la Pointe Gastaldi
Cresta Roma et arête N de la Pointe GastaldiCresta Roma et arête N de la Pointe GastaldiCresta Roma et arête N de la Pointe Gastaldi
Cresta Roma et arête N de la Pointe GastaldiCresta Roma et arête N de la Pointe Gastaldi
Cresta Roma et arête N de la Pointe GastaldiCresta Roma et arête N de la Pointe GastaldiCresta Roma et arête N de la Pointe Gastaldi

Cresta Roma et arête N de la Pointe Gastaldi

Je repars, direction les Due Dita, les deux doigts en VO. Arête bien effilée et gazeuse, on reste dans le thème, rocher toujours bon et vue imprenable sur les deux derniers monuments de cette traversée, le Visolotto et son grand frère. Le Viso s'impose par sa hauteur, il dépasse tout ce qu'il y a autour et de loin, mais le Visoulet n'a pas à rougir car il ressemble beaucoup plus à un pic inaccessible et pointu qu'à un gros cairn.
 
Ma balade sur le fil des 3000 continue donc et je rejoins le Passo Due Dita qui marque le début de l'ascension du Visolotto, le gros morceau du jour. Problème, il est déjà tard et bien que mon envie de croquer du Visoulet soit grande, le dilemme qui se présente à moi l'est tout autant. En effet, ce magnifique sommet trifide ne présente pas de visu d'endroits recommandables pour un bivouac, et dans le meilleur des cas je poserai celui-ci au Cadreghe. Si par contre je le contourne j'ai une chance de dormir au sommet du Ré di Pietra.
 
Je ne pensais pas pouvoir dormir au Viso ce soir, surtout en partant d'en bas mais à ce moment précis, et malgré la fatigue, la possibilité prend forme et je me convainc que c'est la bonne option. La traversée du Visoulet sera pour une autre fois, en plus c'est bigrement aérien et pas si court donc çà se justifie de revenir juste pour çà.
 
Ne traînons pas, je descends cette immonde tas de pierre sous le col, contourne le Visolotto et remonte au col Nord de Cadreghe, la chaise. Me voici au pied du plus gros cairn que j'ai jamais gravi, son surnom n'est pas usurpé, plus minéral tu meurs. Je suis dans les temps, petit casse-croûte, et feu !
 
L'objectif est d'arriver au sommet avant le coucher du soleil, j'ai deux heures devant moi, jouable mais je suis bien rôti. Je prends un petit peu de moraline et de motivex et lance mes dernière forces dans la bataille. Il me manquera dix minutes pour atteindre mon objectif, allez va, je prends quand même !
 
La fin est plus que douteuse, toxique même, rien à voir avec le caillou jusqu'à présent, mais quel belvédère. La vue est démente, et les couleurs du soir donnent une ambiance qu'on n'a pas l'habitude de contempler en montagne, magique !
 
J'arrive occis à la Punta Nizza, l'autre sommet du Viso, la croix étant sur la Punta Trieste. C'est rigolo d'avoir nommé les deux pointes des deux villes les plus extrêmes de l'arc alpin pour nos cousins transalpins. Je me pose au sommet occidental donc, ne voyant même pas qu'il y a un coin aménagé pour le bivouac quelques mètres en contrebas, je n'ai qu'une envie, me mettre au lit et regarder le crépuscule s'éteindre petit à petit.
arête S de la Pointe Gastaldi, contournement Visolotto et NO du Viso
arête S de la Pointe Gastaldi, contournement Visolotto et NO du Visoarête S de la Pointe Gastaldi, contournement Visolotto et NO du Viso
arête S de la Pointe Gastaldi, contournement Visolotto et NO du Visoarête S de la Pointe Gastaldi, contournement Visolotto et NO du Visoarête S de la Pointe Gastaldi, contournement Visolotto et NO du Viso

arête S de la Pointe Gastaldi, contournement Visolotto et NO du Viso

Je me pose, bois comme il se doit car j'ai bien la pépie, si bien que je n'ai même pas faim (ceux qui me connaissent auront du mal à le croire...), et puis qu'est-ce que c'est chouette d'être là. Enfin, chouette c'est sûr, mais j'ai quand même de gros doutes sur la stabilité de mon matelas de sol. J'ai à peine 1m de plat, si je me retourne dans la nuit je risque de finir plusieurs centaines de mètres en contrebas... alors je pose une sangle autour du duvet que je relie à un friend, un instrument qui porte bien son nom ! Me voilà quelque peu rassuré, je peux rejoindre Morphée.
 
La nuit fut plus fraîche que prévu, il ne devait pas geler mais le peu de flotte qui reste dans les bouteilles n'est plus qu'un gros glaçon, le doute n'est pas permis. Je suis donc réveillé très tôt et profite au mieux de l'aube, du lever du jour, et attends impatiemment celui du soleil afin de sortir du duvet et me réchauffer la couenne. Il arrive mais çà prends du temps. 
 
La veille, je voulais arriver avant son coucher au sommet car l'ombre portée du géant sur la plaine du Pô, recouverte de sa mer de nuage traditionnelle, la nebbia, devait valoir son pesant de cacahuètes. Je me consolerai avec cette même ombre pyramidale pointant vers l'Ubaye, magique. Je me répète peut être mais la vue du sommet est la plus belle des Alpes à mon humble avis, on voit bien le cercle alpin, depuis la mer jusqu'aux confins de l'Autriche, et rien pour couper la vue sur tous les géants des Alpes, énorme ! Bon c'est pas tout mais les premiers ascensionnistes ne vont pas tarder, alors je lance le p'tit dej' et en profite pour me dorer la pilule : "on est pas bien là ?"
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso
alba alla cima del Monviso

alba alla cima del Monviso

Je prends mon temps, récupère un peu et dès les premiers arrivants sur le sommet oriental, je plie les gaules en bonne et due forme. C'est pas tout çà mais je n'suis pas encore rentré moi !
 
Le chemin du retour, ou plutôt les chemins possibles sont à mon sens au nombre de trois : 
   - revenir d'où je viens par la Nord-Ovest, ce dont je n'ai aucunement envie vu la toxicité du caillou, c'est pourtant le plus court, mais non !
   - rejoindre le Pas des Sagnettes, le refuge Sella puis rentrer par le sentier du facteur, le refuge Giacoletti et le couloir du Porc, pas mal, mais j'ai dans l'idée de faire autrement.
   - passer par le vallon de Forciolline et couper par le Pas Milizia afin de rejoindre le refuge Vallante et le col éponyme, à mon avis du même acabit que l'itinéraire précédent, mais sympa car fait une belle boucle horaire (la dernière fois avec Oli, on a fait anti-horaire) et on passe à côté d'un superbe lac.
 
Descente efficace, je rejoins fissa le Pas des Militaires, mais là je déchante un peu, cette descente est abominable jusqu'en bas. J'arrive au sentier principal au milieu de cohortes de randonneurs, assoiffé comme jamais (j'ai fini mes réserves ce matin au p'tit dej'). Un gars qui me vois arriver de nulle part me tape la discute, et me propose de l'eau, sympa. Même si le refuge est tout proche, je ne refuse pas. On se retrouvera là-bas, vu l'heure, je pense m'arrêter pour y manger. 
 
descente VN du Viso, Forciolline et Pas Milizia jusqu'au refuge Vallante
descente VN du Viso, Forciolline et Pas Milizia jusqu'au refuge Vallantedescente VN du Viso, Forciolline et Pas Milizia jusqu'au refuge Vallante
descente VN du Viso, Forciolline et Pas Milizia jusqu'au refuge Vallantedescente VN du Viso, Forciolline et Pas Milizia jusqu'au refuge Vallantedescente VN du Viso, Forciolline et Pas Milizia jusqu'au refuge Vallante

descente VN du Viso, Forciolline et Pas Milizia jusqu'au refuge Vallante

Accueil sympa, je me fais plaisir avec la flotte, et me restaure comme il faut, à la locale. Polenta, tiramisu, espresso, petite sieste et c'est reparti ! Mais là, je prends mon temps, et profite du panorama que m'offre le GR sur l'arête de la veille : "ah ouiii quand mêêême !!"
 
Je rejoins un groupe d'une quarantaine d'italiens au col, conversation sympathique, j'ai un peu honte, je baragouine quatre mots alors qu'eux parlent super bien notre langue, faut que j'm'y mette ! Je les laisse en leur disant à tout à l'heure car ils vont passer la nuit au refuge du Viso. 
 
Arrivé au refuge, Paul est content de me voir entier et on tchatche tous ensemble avec sa femme et l'aide gardienne. Ils me proposent de partager leur repas mais je n'ai pas très faim, il sont adorables ! Ensuite les Piémontais arrivent et c'est la grosse tawa au refuge. On discute pas mal, j'essaye d'apprendre des mots, on se marre, on picole, du coup je vais rester l'aprem et le repas du soir. Je prendrai congé de mes sympathiques hôtes vers 21h30, et me ferai un dernier plaisir en dévalant le ludique sentier à la frontale puis en me laisser glisser sur la route jusqu'à la voiture, une petite demi-heure agréable qui clôt admirablement bien cette jolie bambée au pays du Roi de Pierre.
du refuge Vallante au refuge du Viso par le Col Vallantedu refuge Vallante au refuge du Viso par le Col Vallante
du refuge Vallante au refuge du Viso par le Col Vallantedu refuge Vallante au refuge du Viso par le Col Vallante
du refuge Vallante au refuge du Viso par le Col Vallantedu refuge Vallante au refuge du Viso par le Col Vallantedu refuge Vallante au refuge du Viso par le Col Vallante

du refuge Vallante au refuge du Viso par le Col Vallante

Aparté : nos mais italiens ont bien des choses à nous apprendre, toujours de bonne humeur (parfois trop mais bon, c'est toujours mieux que l'inverse !), enthousiastes, nombreux à pratiquer la montagne de tout âges, et content de partager du temps avec les autres, sans jugement aucun. A méditer...
 
Pour moi c'est toujours un plaisir d'y aller, je vous le recommande chaudement, mais pensez à prendre votre humilité et votre enthousiasme avec vous afin de le partager et laissez l'arrogance et la prétention à la maison ! ;)
 
Un grand grand merci à Paul, Sarah et toute l'équipe du refuge du Viso pour leur accueil !
 
 
Mont Viso (3841m)
III/D/5a
 
traversée Berhault :
J1 la Roche Ecroulée > refuge Viso > Col du couloir du Porc > Viso
   Col de la traversette > Pointe Venise > Col du couloir du Porc : rando alpine, non fait
   Couloir du Porc > Pointe Udine > Pointe Roma > Passo Giacoletti : III/AD/5a
   Passo Giacoletti > Pointe Gastaldi > Passo Due Dita : III/PD+/3a 
   Passo Due Dita > Visolotto > Cadreghe : III/AD+/4b, non fait
   Cadreghe > face Nord-Ovest du Viso : III/AD+/4c
3000m (dont 1500m d'escalade)
 
J2 Viso > Lago di Forciolline > Pas Milizia > refuge Vallante > col Vallante > refuge Viso > la Roche Ecroulée
700m
 
 
 

Publié dans Alpinisme

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A
J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et un blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers (lien sur pseudo) A bientôt.
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S
Très bel article, très intéressant et bien écrit. Je reviendrai me poser chez vous. N"hésitez pas à visiter mon univers (lien sur pseudo). A bientôt.
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